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Sur un air de solotude

La monoparentalité n’est plus hors norme et si rien n’est simple au quotidien, la plupart des mamans assument de plus en plus leur vie en mode solo.


« Je suis en retard, en retard, en retard ! » Un peu comme le Lapin blanc dans Les Aventures d'Alice au pays des merveilles, les femmes qui élèvent seules leur(s) enfant(s) manquent de temps. « Ces mères ont l’impression de courir en permanence, observe Amanda Gfeller, fondatrice de la « Ronde des mamans solos », un nouveau groupe de parole à Neuchâtel.

Le matin, le soir, le week-end aussi, il faut se dépêcher de faire les courses, les devoirs, le ménage… c’est non-stop. » En dépit des besognes, d’une grande fatigue et d’un sentiment de solitude, il est essentiel de trouver quelques instants pour souffler, se poser et échanger.

« En parlant ou simplement en écoutant, vous vous rendez compte que votre situation n’est pas unique et qu’elle est aussi vécue dans beaucoup d’autres foyers, relève Mme Gfeller. Si s’exprimer, parler de soi devant des gens peut être difficile, c’est un moment de lâcher-prise authentique où vous vous sentez comprise et qui vous donne l’énergie pour repartir de l’avant. »

Ces rencontres ont lieu depuis 2023 chaque premier vendredi du mois de 20h30 à 22h00. Elles se déroulent à l’antenne neuchâteloise d’Info-entraide Suisse.
Alors que les familles monoparentales représentent environ 15% des familles en Suisse, le canton de Neuchâtel a le plus haut taux avec plus de 22% selon l’Office fédéral de la statistique. Ce statut est bien souvent considéré par les intéressées elles-mêmes non pas comme une fin en soi, mais comme une étape transitoire dans leur vie.

Incertitude et fortitude

Sans répit, elles avancent sur un fil, jonglent avec un emploi du temps compliqué.

« Les mamans solos sont à la recherche d’un nouvel équilibre, constate Nuria Sanchez, sociologue du travail et de la famille à l’Unine. Après leur séparation et une perte de ressources, elles doivent repenser l’organisation entre leur travail, le logement et la garde de l’enfant. »

Entre 2012 et 2022, le Pôle de recherche national LIVES (UNIL) a mené un vaste projet de recherche intitulé « Les multiples parcours de la monoparentalité » en Suisse romande.
Alors qu’il y a quelques décennies en arrière, la monoparentalité concernait principalement des veuves et parfois des filles-mères, aujourd’hui les profils se sont diversifiés. « Pour les mères et les enfants aussi, ce n’est plus un sujet stigmatisant, c’est devenu banal, confirme Mme Sanchez. Ces femmes ne se reconnaissent pas dans l’image misérabiliste qu’on leur renvoie. Dépeintes le plus souvent comme vulnérables, dépendantes de l’aide sociale, elles sont au contraire très actives et fières de faire face aux événements. »

S’occuper seul·e d’un enfant est rarement un choix ou un idéal de départ. À côté de la longue liste des difficultés à surmonter, on peut malgré tout inscrire dans la colonne des avantages, la liberté de décider sans avoir à négocier âprement, la sensation d’être en accord avec soi-même. Le prix à payer de cette autonomie retrouvée est plus ou moins élevé suivant le soutien que l’on reçoit de sa famille, des rapports que l’on entretient avec son ex-conjoint·e.


Amis, amours

Dans un agenda ultra serré, quid de la vie sociale une fois toutes ses obligations remplies ? « Les relations que vous aviez en commun avec votre ex-conjoint sont généralement coupées, remarque Mme Sanchez. Et pour beaucoup, elles sont laissées de côté le temps de remettre les choses en ordre et de se focaliser sur le bien-être des enfants. »  Se faire des ami·e·s, s’épanouir à nouveau auprès de quelqu’un, les femmes y pensent forcément, mais encore faut-il avoir l’occasion et l’énergie nécessaire.

« Vous rencontrez bien d’autres mamans lorsque vous accompagnez votre enfant à la patinoire, à la piscine, mais ce sont des moments furtifs, considère Mme Gfeller. Quant aux relations amoureuses, c’est dur de fréquenter quelqu’un dans la durée quand tout doit être préparé, calculé, que rien ne se fait spontanément. »

Partenaire de passage et plus si affinités, chaque femme a des aspirations différentes. « Il n’y a pas d’image exclusive des familles monoparentales, souligne Mme Sanchez. Certaines se remettent en couple rapidement avec des enfants en bas âge quand d’autres préfèrent attendre qu’ils grandissent. Les trajectoires varient en fonction de chaque histoire personnelle et de l’avis des enfants qui ont souvent un poids important dans leurs choix. »

Bien que la majorité des enfants vivent avec leurs deux parents, la part des familles monoparentales ne cesse de progresser. Les mamans solos affrontent des vents contraires dans un monde du travail insensible à leurs contraintes – enfant malade, professeur absent, grève… Flexibilité, horaires adaptés, il reste du chemin à parcourir pour leur rendre la vie plus facile.

François Jeand’Heur

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